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Méthode pour se désintoxiquer de la voiture, et la remettre à sa place

©Gwoeii/Shutterstock
Publié le 24 février 2019 à 21 h 23 min

Mise à jour le 29 septembre 2023 à 15 h 40 min

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Ludovic Bu marche beaucoup, pédale souvent et n’hésite pas à s’asseoir dans une voiture quand cela est nécessaire. Expert en mobilité, il milite pour la « multimodalité ».

Alors que nous sommes de plus en plus nombreux à vouloir agir pour l’environnement, notre santé ou notre bien-être, la voiture reste le principal moyen de déplacement. Comment expliquez-vous ce paradoxe ?

C’est assez simple : une voiture peut servir pour tous les déplacements ou presque. Elle répond à tous les besoins. Et pourtant, c’est un outil surpuissant et surdimensionné par rapport à l’usage que l’on en fait : une tonne de technologie pour faire 5 km seul et sans bagage, c’est complètement absurde ! À l’inverse, la multimodalité – le fait d’utiliser tour à tour les transports en commun, le vélo, la marche, etc. –, c’est compliqué. Changer de mode de déplacement en fonction de nos besoins nécessite d’accepter cette complexité. Car reconnaissons-le : utiliser la voiture pour satisfaire tous ses besoins de déplacement est tellement plus simple que d’orchestrer tout un parcours par le biais d’autres modes de transport ! Une deuxième difficulté existe : les habitudes culturelles, très liées à l’éducation. Aujourd’hui, le fait de ne pas utiliser de voiture est encore souvent, socialement parlant, un marqueur négatif. Même les personnes qui elles-mêmes n’ont pas de voiture réagissent en fonction de ce cliché. Dire aux gens « il faut faire sans voiture » implique de renouveler les schémas intellectuels et sociaux.

Mais est-il vraiment possible d’imaginer un quotidien sans voiture ?

Ce n’est pas impossible, en tout cas ! Sur le territoire, 10 à 30 % des gens n’ont pas de voiture. Pourtant, ils se déplacent aussi et s’organisent en tenant compte du fait qu’ils ne disposent pas de ce moyen de locomotion. En réalité, le déplacement n’est pas quelque chose de réfléchi chez celui qui a une voiture ; il le devient chez celui qui n’en a pas. Les personnes qui ont une voiture, du moins une grande partie d’entre elles, ne sont pas impactées par la contrainte « déplacement » dans leur organisation personnelle. Cependant, il leur arrive fréquemment de devoir faire face à des situations où la voiture n’est pas adaptée car elle ne permet pas d’aller partout et en toutes circonstances (par exemple : lorsqu’il neige ou que l’on a consommé trop d’alcool).

Vous préconisez donc de se passer de ce mode de déplacement ?

Cela serait vraiment dommage de se passer d’un outil aussi intéressant sur le plan technologique. Donc, dans l’absolu, non ! Néanmoins, comme pour tout le reste, son usage manque parfois de mesure, tout comme pour le smartphone : ces outils permettent de se libérer d’un certain nombre de contraintes, sauf en cas d’excès avec, dans le cas du téléphone, les appels et les e-mails matin, midi et soir… Il importe donc de savoir jauger. Au sujet du modèle de voiture que l’on utilise, il y aurait aussi beaucoup à dire. À l’origine, la voiture a remplacé le cocher et les chevaux, donc un moyen de locomotion dimensionné pour cinq, six, voire sept personnes et avec lequel on parcourait des distances importantes et avec beaucoup de bagages. Aujourd’hui, dans 90 % des usages, une seule personne est dans la voiture et le coffre est vide. La question du type de voiture que l’on va utiliser en fonction des usages se pose donc.

Dans l’inconscient collectif, la voiture reste un symbole de liberté. Dans les faits, la réalité est différente…

La première des contraintes, c’est qu’il faut l’acheter, puis l’entretenir. Mais il en existe deux autres, majeures : les embouteillages et le stationnement. Les pouvoirs publics et les constructeurs font comme si le stationnement était toujours gratuit et illimité. Or l’espace où l’on gare les voitures n’est pas illimité et a un coût. Ensuite, concernant la question des embouteillages, on a toujours le réflexe de dire : la route est saturée, élargissons-la pour qu’il y en ait plus ! Or ce n’est pas une solution viable. Enfin, toute une série d’autres contraintes sont induites, comme les accidents, les pannes, les nuisances ou évidemment la pollution, mais ce sont des sujets que l’on ne prend pas en compte.

Tout est fait pour attirer notre attention ailleurs ?

C’est certain. Au sujet du rôle du marketing, le fait qu’en France les plus gros annonceurs publicitaires sont Peugeot, Renault, Citroën et Orange est trop peu souligné. C’est une véritable injonction à la mobilité qui se manifeste à travers la publicité pour les voitures et la téléphonie mobile. Il faut avoir une voiture, un téléphone mobile – en bref : être mobile dans tous les sens du terme. On comprend aisément qu’ensuite, il soit très compliqué pour un citoyen de se positionner à contre-courant. Aller à l’encontre des diktats de la publicité en n’ayant pas de voiture ou en l’utilisant moins – idem pour son téléphone portable –, en anticipant davantage, en réfléchissant à comment faire les choses, dont le fait de se déplacer, est compliqué.

Dans ce contexte, changer ses habitudes n’est pas chose aisée !

Changer ses habitudes, cela veut dire réfléchir et donc conscientiser ce que l’on fait. Pour commencer, le meilleur moment, c’est lorsqu’il y a un changement dans sa vie. Lorsque l’on a une nouvelle opportunité, soit de logement, soit professionnelle, on peut intégrer la question du déplacement dans sa réflexion globale afin de réduire au maximum la dépendance aux modes de transport motorisés. Il est d’ailleurs intéressant de constater que les banquiers commencent à prendre en compte votre dépendance à la voiture lorsqu’ils étudient votre demande de prêt immobilier, car ils tiennent compte de l’impact de l’achat du ou des véhicules dans le niveau d’endettement du foyer.

Et si l’on ne déménage pas ou que l’on ne change pas de travail, mais que l’on est bien décidé à remettre la voiture à sa (bonne) place, comment s’y prendre ?

Voici plusieurs étapes que l’on peut recommander à peu près à tout le monde. D’abord, il faut établir un « autodiagnostic » : quels sont mes déplacements ? Sans changer quoi que ce soit, juste pendant quinze jours, un mois, identifier ses déplacements. On va se rendre compte que certains sont récurrents et que d’autres sont ponctuels. Les déplacements récurrents sont les plus compliqués à modifier, mais lorsqu’on le fait, c’est un levier gigantesque. Par exemple, si je vais faire les courses en voiture, est-ce que je ne pourrais pas les faire à pied, à vélo, en bus ? Je fais les courses une ou deux fois par semaine : si je change mes habitudes, cela aura un impact important sur mon budget, sur la pollution que je génère, mais aussi des conséquences positives sur ma fatigue et sur mon stress. Pendant cette phase de diagnostic, vous ne changez pas vos habitudes, vous ne faites que les noter, vous en prenez conscience.

La deuxième étape consiste en une double démarche de désintoxication et de prise d’information. Le fait est que nous trouvons à peu près partout des transports en commun, même si le niveau d’offre n’est pas toujours identique. Il importe donc de réunir ces informations, notamment grâce aux nouvelles technologies numériques, qui permettent d’accéder à toute l’offre des transports en une seule application. Prendre cette initiative et identifier quelles alternatives existent, c’est le début de la désintoxication.

Troisième pas, tester doucement. Changer de comportement, c’est comme arrêter de fumer : si vous dites du jour au lendemain « j’arrête », il y a de fortes chances que vous échouiez ; il faut donc faire les choses progressivement. Si vous prenez la voiture une fois par jour, ce n’est pas une catastrophe. Par contre, si vous la prenez tout le temps, y compris pour aller chercher une baguette au bout de la rue, c’est problématique. C’est en effectuant de petits tests que l’on se rend compte que marcher, ce n’est pas désagréable, que faire du vélo, ce n’est pas si dangereux, que prendre les transports en commun et regarder le paysage sans se soucier de la route, ce n’est pas si contraignant. Évidemment, le changement doit tenir compte des saisons, de nos besoins, du contexte… Une fois que vous jugerez l’organisation multimodale de vos déplacements satisfaisante, vous pourrez aller plus loin et identifier les trajets qu’il vous serait possible d’éviter. Il s’agira de mieux vous organiser : mutualiser vos déplacements, travailler chez vous quand vous le pouvez, apprendre aux enfants à se déplacer seuls ou en groupe, envisager l’autopartage au sein de votre entreprise, avec vos voisins…

Extrait de mon ouvrage “Changer d’ère, l’air de rien”, paru aux éditions Rue de l’Echiquier

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