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[Entretien] Comment ralentir quand tout accélère ? 1/2

Publié le 21 octobre 2018 à 21 h 22 min

Mise à jour le 24 juin 2019 à 13 h 18 min

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Gilles Vernet est un ancien professionnel de la finance de marché, un trader. Lorsqu’il a appris que sa mère était atteinte d’une maladie incurable, il a décidé de tout arrêter pour l’accompagner. Puis il est devenu instituteur, auteur de documentaires et d’ouvrages sur le temps, l’accélération, la croissance. Il a notamment écrit “Tout s’accélère” (Eyrolles).

Est-ce une vigilance de tous les instants que de garder un œil sur le temps qui passe afin d’en garder un peu pour soi ?

Oui ! Notamment depuis que j’ai compris que nous sommes accros à l’adrénaline, et que je l’étais tout particulièrement quand je travaillais sur les marchés financiers. Je considère que chacun d’entre nous vit sous adrénaline dans le monde actuel, en raison de l’intensité productive qui est demandée. Un phénomène contemporain s’impose, cause de notre sentiment de saturation mentale, mais aussi de la multiplication des burnout : il s’agit du flux communicationnel. Le fait de garder son smartphone toujours avec soi – sur lequel nous recevons SMS, appels, e-mails et notifications des réseaux sociaux, mais aussi des applications – démultiplie le flux de communication qui nous arrive dessus. Et si l’on veut répondre en continu à toutes ces sollicitations, on se retrouve sans aucun temps disponible de manière continue. C’est la fameuse disruption permanente qui morcelle l’esprit, empêche de prendre du recul, de voir loin, qui nous rive le nez dans le guidon. Je pense donc qu’il faut être vigilant et laisser son téléphone mobile

Vous évoquez d’ailleurs le smartphone dans votre livre « Tout s’accélère ». Pour vous, il est une cause majeure de notre manque de temps au quotidien…

C’est indubitable. D’ailleurs, pour comprendre les raisons pour lesquelles de nombreuses personnes se plaignent depuis une dizaine d’années d’une carence temporelle, le smartphone entre bien dans l’équation. Il y a d’un côté la demande de productivité financière qui rend le travail de plus en plus intense et, de l’autre, dans le même temps, l’essor technologique et l’utilisation de ces outils. Outre le problème du smartphone qui nous suit partout, il y a l’idée que, comme le dit Aristote, « on est ce que l’on fait de manière répétée » : quand on le consulte deux cents fois par jour, on ancre d’un point de vue pavlovien le fait qu’à tous les moments de pause, de vide, on va revenir vers ce doudou qui, pour autant, ne nous prendra jamais dans ses bras.

Et en même temps, vous dites qu’il ne faut pas s’enfermer dans l’obsession de retrouver la maîtrise du temps ?

Certainement pas ! Par contre, il est important de se ménager des pauses et de savoir le faire sans culpabilité ; ce serait d’ailleurs là la clé du bien-être. Par ailleurs, je ne crois absolument pas à un ralentissement général ni à l’hypothèse d’une décroissance, qui est à l’opposé d’un autre dogme et le rejoint dans l’excès. Je pense qu’il est nécessaire de chercher un juste milieu et d’alterner les rythmes. Aujourd’hui, nous sommes dans un monde hypercompétitif mondialisé, où on est tous en rivalité d’un point de vue professionnel, et de ce fait, poussés bon an mal an à se comporter comme des compétiteurs, en particulier les cadres, mais pas seulement. Quand on observe comment s’en sortent les grands compétiteurs sportifs, on constate que la phase de récupération est une des clés de leur succès. Tous les grands champions ont des coachs qui gèrent pour eux ces temps de repos, ce qui leur permet de faire face à l’effort le moment venu. Le sommeil aussi est un sujet clé. Chacun doit apprendre à se connaître et à être à l’écoute de son corps. D’autant plus que l’omniprésence des écrans dans nos vies nous coupe de notre temporalité. Il arrive que les gens ne se rendent pas compte que leur corps n’en peut plus, car ils ont les yeux rivés en permanence sur la machine qui, elle, ne dort jamais !

Extrait de mon ouvrage “Changer d’ère, l’air de rien”, paru aux éditions Rue de l’Echiquier

–> en vente ici.

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